Les titres de ses pièces empruntent aux sciences naturelles, à la littérature, à la culture populaire, à l’archéologie, à la mythologie ou à la géographie. Mais ce qui qualifie singulièrement le travail de Célie Falières c’est d’abord l’attention précise portée aux matériaux quels qu’ils soient, pauvres ou nobles, à leurs transformations, à leurs usages, à leurs extraction …
L’artiste collecte des matières brutes minérales, végétales, animales, sonores et visuelles ; elle les contextualise, les archive et en explore les savoir-faire. « Connaitre n’est pas voir (…) mais agir ». Dans l’esprit du pragmatisme, elle fait l’expérience de l’étonnement des choses. Le non-savoir invite à l’expérimentation.
Qu’elle partage sa pratique enjouée de la céramique avec une boulangère, pousse les limites du verre soufflé au-delà de l’utile ou déconstruit les codes de la maroquinerie dans le travail du cuir, Célie Falières cherche la porosité entre les apprentissages, les pratiques, les objets et leurs usages. Elle accepte et assume les lacunes, espaces vacants nécessaires à la circulation d’un projet à l’autre. Avec une conscience ludique de l’ambiguïté entre art et artisanat, elle rassemble les fragments d’une œuvre qui se tisse à chaque geste acquis et toujours questionné.
Elle reprend à son compte les mots « Faire, c’est penser ». Ainsi, les objets s’ils existent en tant que tels, beaux et/ou utiles, sont de surcroît magnifiés lors de performances. Dansés, joués, ils s’inscrivent alors comme autant de nouveaux rituels offerts à l’élaboration d’un récit, d’un langage, où la mémoire du paysage (des ressources) et la présence du corps sont les arcanes incontournables.

Martine Michard, février 2024

  • John Dewey, L’art comme Experience - Art as Experience, New York, 1934

Artistes, écrivain·es, philosophes, auteur·ices

Virginia Woolf, Ana Mendieta, Tacita Dean, Simon Starling, Valentine Schlegel, Monique Wittig, Mike Bourscheid, Tim Ingold, Gina Pane, Mike Kelley, Jean Giono, Georgia O’Keeffe, Aëla Maï Cabel

Matériaux

Argile, coton, lin, soie, bois, pierre, plâtre, émail, verre, osier, laine, cire d’abeille, paille, diapositives

Outils

Fours, scies, pelles, pinceaux, ébauchoirs, couteaux, aiguilles, écharpilleuse

Gestes

Brûler, enduire, modeler, cuire, tremper, teindre, cueillir, gratter, coudre, fondre, assembler, couper, récolter, creuser, tisser

Mots-clés

Idiolecte, culture matérielle, épanorthose

Titres

L’opoponax, Monique Wittig, 1964, Les Éditions de minuit
Hippo Lite, Drinks, 2018, Drag City
Les Combarelles, Michel Jullien, 2017, L’écarquillé
The kindred of the Kibbo Kift : Intellectual Barbarians, Annebella Pollen, 2015, Donlon Books
Faire anthropologie, archéologie, art et architecture, Tim Ingold, 2012, Éditions Dehors

Citations

“I think that interest in collecting is less about the object substance than holding one self in a perpetuous state of waiting and looking.” Tacita Dean sur la BBC
“Correspondre avec le monde, ce n’est pas le décrire ou le représenter, mais c’est lui répondre. Grâce au travail de médiation de la traduction, correspondre c’est fusionner les mouvements de sa propre conscience sensible avec les flux et les courants de la vie animée.” Tim Ingold, Faire anthropologie, archéologie, art et architecture, p. 227, Éditions Dehors, 2012
“Casser une noix n’a vraiment rien d’un art, aussi personne n’osera rameuter un public pour casser des noix sous ses yeux afin de le distraire. Mais si quelqu’un le fait néanmoins, et qu’il parvienne à ses fins, alors c’est qu’il ne s’agit pas simplement de casser des noix. Ou bien il s’agit en effet de cela, mais nous nous apercevons que nous n’avons pas su voir qu’il s’agissait d’un art, à force de le posséder trop bien, et qu’il fallait que ce nouveau casseur de noix survienne pour nous en révéler la vraie nature - l’effet produit étant peut-être même alors plus grand si l’artiste casse un peu moins bien les noix que la majorité d’entre nous.” Franz Kafka, Joséphine la cantatrice
“On a réussi à créer un état d’âme avec des pierres assemblées dans un certain ordre.” Jean Giono, Les Pierres, p. 68