À propos de MM.

Sarah Deslandes

Être atelier
Marion Mounic et sa présence en atelier
(06.10.2019)

De la paraffine fond sur un trépied, plusieurs radiateurs tentent de sécher une terre argileuse, un caisson d’insolation attend ses images, une réserve de matériaux s’expose, des livres, un ordinateur et une source sonore cohabitent sur table.
L’atelier de Marion Mounic propose d’expérimenter des dispositifs de fabrication. Petits amoncellements, zones dédiées, il est question de montrer des opérations, de partager l’expérience du faire, mais aussi l’attente qui le précède.
Attendre.
Une attitude non des moindres lorsque l’on refuse le banc de touche.
La nécessité de patienter semble pourtant très présente dans son processus de travail. Repérages, prises directes avec des éléments d’ici et d’ailleurs, puis par la suite : une reformulation de microcosmes liés à des expériences vécues.
Une fois ce processus primaire assimilé, une seconde utilité lui est donné dans d’autres formes et pour d’autres situations.
Par ses nouveaux environnements, MM tente de traduire ce qu’elle croit voir à travers des éléments disparates. Elle compose des points de vues aménagés, des installations à observer et à traverser, des propositions d’expériences où les sens sont mis à l’épreuve.
Se perdre dans une couleur
Avoir chaud
Reconnaître une odeur
Se figer face à une ligne d’horizon
Confondre un objet
Manquer une image
Être atelier nécessite d’avoir du temps à consacrer, du temps à organiser et à épuiser. MM possède cette volonté de faire de ses heures en atelier une expérience constante. Et sans oublier d’être parée aux rebonds imprévus, elle cherche, essaie et fabrique continuellement.

Angiographie, installation, 2018, glaçon de fluorescéine, lumière noire, carrelage, dimensions variables, photo Stéphane Migot

À croire qu’elle tente de lui montrer ce qu’elle croit qu’elle voit
Marion Mounic et sa vision altérée
(09.10.2019)

Guidée par l’idée qu’elle se fait d’un regard « accidenté », MM met en place des stratégies de regard.
Possiblement dans le but de voir à son tour comme dans ces yeux. De partager une vision. De pressentir communément une apparition. De pouvoir voir d’égal à égal, sans trouble, sans manque, sans gabarit, sans aucune dissonance.
Au fil de propositions singulières, MM invite le spectateur à marcher autour, à côté et dans ses installations. Nous laissant maître de nos déplacements, elle cherche à voir si nous verrons. À voir si nous trouverons la zone où nous placer, pour voir ce qu’elle a vu et souhaite partager.
Une vision altérée.
Une vision particulière et propre à une zone spécifique.
Une image créée par ou sur les dispositifs employés.
L’idée qu’elle se fait de cette autre vision, de ce regard distinct mais complémentaire.
La question d’un dispositif à spectateur unique semble pointer. Un lieu, un temps d’exposition dédié à une expérience solitaire et individuelle, où les conditions d’expérimentation permutent notre regard et notre attention.
Des indications plus ou moins perceptibles, plus ou moins annoncées. Des éléments conducteurs et d’autres détournés.
À savoir si MM choisirait de penser spécifiquement une expérience et son exposition pour et par un seul spectateur, avant d’envisager le retour au collectif et les possibles récits de cette expérience.

Samâ’, installation, 2018, cocottes-minute, moteurs, photo Cyril Boixel

Cuisine géographique
Marion Mounic et le concept de cuisine
(16.10.2019)

Des cocottes minutes tournent, la vapeur prend de la place, le son s’échappe et les aliments semblent manquer.
Cuisiner n’induirait peut-être pas de travailler des recettes, mais bien de se trouver dans un lieu spécifique.
Une cuisine, ce lieu domestique qui rassemble, permet d’inventer et de prévoir. Cité et
société : un régime politique à elle seule. Lois et réformes s’y discutent, s’affairent.
Marion Mounic écoute, regarde et participe à l’énergie de cette pièce dont la porte reste fermée à certains. Elle y puise des principes liés au faire, y entend des modes de pensées, fabrique et repense des gestes appris au contact de ses paires.

مطْبَخجَمطاِبخُ

Chaque climat inaugure une harmonie pour ce lieu et ce qui s’y passe. Culture, points de vue et possibilités orientent les dispositions, les rôles et les attitudes de ces acteurs. Il s’agit de penser une géographie du lieu, de penser la géographie de chacune des positions de ce lieux.
Multiple et sédentaire à la fois, la cuisine est une géographie, un lieu pour dire et faire, un lieu où le contexte est créé sur le moment. Marion Mounic s’en inspire et s’en empare, pour manier à son tour des instruments dont elle programme la fuite.

Barma, 2020, installation in situ, vue de l’exposition Full Sentimental, Memento Espace départemental d’art contemporain, Auch, photo Cyril Boixel, 2023.

Aurore
Marion Mounic et le principe lumineux
(16.10.2019)

Éclairer, mettre en lumière et plonger dans la couleur sont des principes francs et sans détour que MM emploie.
Cette lumière, conviée et convoquée, laisse entrevoir une direction, un espace ou parfois une inscription. C’est un guide, un environnement, un objet sans mesures. C’est autant une surface, une traversée qu’une possibilité de transparence rencontrée au fil des images, des installations et discours colorés de MM.
Le principe lumineux dont elle use semble pourtant parfois mis de côté. L’espace, alors plongé dans le noir se révèle dépositaire de l’absente. Mais l’éclairage n’est jamais loin : sensible à la préhension d’une pièce, diffusée au centre même d’un objet ou imbibée dans l’usage d’un matériau, la lumière réapparaît, s’infiltre et reflète silencieusement.
Autour de sa pratique, MM est attentive aux éléments présents dans son atelier. Sources lumineuses, ampoules, néons et flammes illustrent ce qu’elle cherche à rendre perceptible dans d’autres contextes. En observation, elle reste à l’affût du moindre flash, sursaut et halo de lumière. Chaque ombre, chaque facette créées aux murs sont porteuses de formes, de lignes directrices d’une réelle pensée des espaces que projette MM.

Textes produits dans le cadre de la résidence Post-production, Maisons Daura, résidences internationales d’artistes, MAGCP centre d’art contemporain, Cajarc.

Auteur·e

Sarah Deslandes mène des recherches théoriques, performatives et curatoriales sur les formats d’expositions furtifs. Son champ de recherche inclut des œuvres échelle 1, des pratiques infiltrantes et invisuelles, dont l’apparition peut être momentanée, secrète, voire impossible.
Diplômée de l’Esban Nîmes et du Post diplôme de l’école Offshore de Shanghai, elle a entre autres conçu un cycle d’exposition en milieu rural (L’oeil) et à été co-chargée de l’exposition collective La percée des images au DomaineM. Elle a également été nominée au prix de la biennale de Paris, a participé aux Rencontres internationales de la performance de l’Isba/Frac Franche-Comté et à la Biennale artpress.