Masques et maquillage.
Pedro Morais
Un samedi soir en province est un documentaire de Jean-Michel Destang, sur de la façon qu’ont les jeunes de tromper l’ennui, de s’inventer un monde avec grâce et fantaisie dans les bals de campagne. Le film semble résonner avec l’univers de Marianne Plo, engagée dans une formidable tentative pour bâtir une mythologie d’aujourd’hui, avec ses rites de passage, ses parures et ses lieux de culte. Dans sa vidéo Les Millions elle compose un défilé de polaroids autour de ces espaces intermédiaires, les bords de route, les restaurants de solitaires, l’alternance d’enseignes publicitaires, de mobylettes, de nouveaux fétiches qui transforment le paysage. Les installations de l’artiste empruntent à ce monde mais aussi aux fictions qui le transforment : une pratique de customisation et de travestissement du réel.
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Prenons comme métaphore l’esthétique désenchantée d’un club de banlieue dont le décorum souvent évoque les mythologies du passé, allant des temples égyptiens aux colonnades grecques : s’ils sont conçus pour créer un hors-lieu et hors-temps, leur mise en scène dévoile sans aucun ambages son effet de simulacre et de trucage. La société du spectacle ne cache plus ses ficelles, il s’agit maintenant de scénariser autrement le show. Dans l’un de ses dessins Lost in neverland, Marianne Plo compose un paysage où se mélangent des totems pré-colombiens et une grand roue de fête foraine: si tous les deux intègrent le parc d’attractions contemporain, ils sont aussi deux symboles puissants de notre permanente réactivation des rituels, de notre désir de fiction et de mythe. C’est l’art lui-même qui ne peut exister hors de notre envie d’y croire. De quelle façon le maquillage peut transformer autrement un visage ? Comment de simples rochers deviennent-ils des menhirs ? Quelle est la métaphysique qui explique la foi dans le jeu du millionnaire ?
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Lost in Neverland, 2011, peinture sur papier, 120 x 150 cm, vue de l’exposition À l’assaut de l’ambassade, 2010, Le Parvis centre d’art contemporain, Ibos, photo Catherine Fontaine
Marianne Plo crée des mythes pour le monde contemporain où Ferrero Rocher tutoie Jason et les Argonautes et où la symbolique quelquefois abstraite qu’elle emploie se trouve autant dans une cible de jeu de fléchettes que dans une porte des étoiles ancestrale (finalement empruntée au cinéma série B dans un jeu entre mémoire et fiction). Plutôt que ré-enchanter le réel, Marianne explore l’illusion du secret que l’on met derrière les objets et l’incroyable richesse de notre monde prosaïque.
Les Millions, 2000-2007, série de polaroïds