La catastrophe à l’ère du Software.

Franck Bauchard

À l’orée du XXIe siècle, il semble que catastrophe rime avec globalité. Qu’à l’ère du changement climatique, la catastrophe ne s’envisage qu’à travers ses conséquences globales. Le philosophe Frederic Jameson observait qu’il était « plus aisé d’imaginer la fin du monde qu’une alternative au capitalisme ». À travers un logiciel informatique, Audrey Martin a paramétré une série de catastrophes suscitées par la chute d’astéroïdes sur terre dont les effets sont renseignés de manière clinique. Un chaos d’énergies cosmiques, telluriques ou marines est traduit sous forme d’un ensemble de coordonnées relevées avec précision dans un langage impeccablement scientifique.

C’est la catastrophe à l’ère du Software.

Global Damages Replay rejoue la procédure inventée par l’artiste avec des personnalités invitées et le public rencontré lors d’un workshop. C’est cette extension et expérience collective que retrace Global Damages Replay.

Cette publication s’apparente à un livre d’artiste dont il rappelle la matérialité. En même temps, il ne s’organise pas selon une logique de clôture par un artiste/auteur. Il ouvre au contraire sur une multiplicité et un chaos joyeusement maîtrisé.

Cette multiplicité est traduite d’abord par un jeu d’envoi et de réception au coeur duquel se trouve la carte postale. Les personnes associées à l’aventure sont invitées à donner leur vision de la fin du monde. L’écriture est appliquée, gribouillée, à chaque fois caractérisée par sa graphie singulière. Elle manifeste le vif de l’adresse, de la pensée…

Cette multiplicité se manifeste également par un palimpseste d’inscriptions d’un large spectre de média dans le livre. Le graphique, la partition musicale, le dessin, l’écriture à la main, le codex,

la capture d’écran vidéo… relancent à chaque page la perception ou l’imagination de la catastrophe. La multiplicité se confond alors avec l’ellipse. La catastrophe est toujours ce qui est en creux ou alors un white out qui annihile momentanément la vision. La page blanche ne renvoie plus à une écriture à venir mais à la lumière d’une explosion éternellement figée.

Le livre devient une métaphore matérielle de la relation entre l’artiste et ses destinataires comme un processus d’écriture arrivé à destination.

Auteur·e

Directeur-fondateur de La Panacée à Montpellier (2011-2016), Franck Bauchard a été directeur artistique de La Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon (2006-2011) et directeur de l’Institut for art and emerging technologies de l’Université de l’Etat de New-York (2016-2019). Il est actuellement conseiller arts visuels à la Drac Grand-est et enseigne régulièrement dans des universités et écoles d’art.