A propos de Stella.
Charlotte Bayer-Broc
C’est l’hiver, le ciel est lourd, la mer s’est retirée et le vent trace des lignes de sable sur les routes asphaltées de Stella, une cité balnéaire du nord de la France, apparemment silencieuse et dépeuplée. Dans la nuit profonde, l’horizon se déplace avec les mouvements successifs des dunes qui envahissent le plan raide de la ville. Devant ce paysage mouvant, des mains agencent, collectent et classent une masse de documents - dessins, prélèvements, scanners de paysages, photographies thermiques – constituant ainsi une cartographie multiple et expérimentale de la ville, érigeant Stella en un milieu où appréhender les liens entre instabilité des matières du monde et autorité de la géométrie. Abandonnant l’opposition traditionnelle entre nature et architecture, Stella (titre) est un film sur le travail comme condition nécessaire à la perception, où Elsa Brès nous apprend à voir un espace mutant. L’intérieur, c’est ce lieu depuis lequel on recompose en constellation, tel un explorateur, un voyageur-botaniste, un archiviste ou un archéologue, les éléments qui représentent et constituent l’espace extérieur, des vieilles vues immobilières encadrées aux mesures et autres prélèvements géologiques. Le dehors apparaît dès lors comme un collage de formes et de matières, où tout s’interpénètre. Alors que la maquette fond littéralement sur les cartes de la ville, un mouvement de fusion se joue, par un flou irrémédiable, entre l’immeuble depuis lequel s’organise le travail et la mer de dunes qui l’environne: les bâtiments s’épuisent, le paysage est une architecture.