Narcisse avait une sœur
2023
Performance
Miroirs, autel bouddhiste et vêtements
40 min
Maison Salvan, Labège
D’après le mythe grec de Narcisse, non pas la version la plus connue, mais celle rapportée par Pausanias qui raconte que Narcisse avait une soeur jumelle qu’il aimait beaucoup, quand la jeune fille mourut, fou de chagrin, il se rendit tous les jours près d’une source pour retrouver dans son propre reflet les traits de sa soeur.
Cette performance ravive ce geste d’enfant qui, pour imiter son parent, met les pieds dans des chaussures trop grandes. De la même manière, en enfilant avec douceur et amour les vêtements de mon défunt père, je tente de retrouver ses attitudes, sa posture, le toucher de son ventre dodu. Je cherche dans la profondeur de la mémoire de mon corps un fragment précieux, la présence de mon père, je cherche son regard, sa respiration, un son.
Il semblerait qu’il me cherche aussi.
Le ronflement
Enfant, j’ai toujours entendu le ronflement de mon père.
Il a accompagné toutes mes nuits et toutes mes journées lorsqu’il faisait la sieste à la maison.
C’est un repère familier qui m’a bercé et rassuré,
le signe flagrant du souffle, de la vie et du rêve.
Une présence sonore que j’ai ressentie et qui m’a guidé dans la pénombre.
Au bruit du ronflement, je me savais chez moi, entre les murs de la maison.
C’est un son doux et chaud qui m’effleure,
il me berce et m’endort facilement.
Je vois encore le torse de mon père se déployer,
comme le va-et-vient des vagues sur la plage,
et la bourrasque du vent marin qui gronde.
Je ne l’entends plus et il me manque,
parfois j’oublie même à quel point c’était présent.
C’est un son précieux et fragile, qui est maintenant enfoui.
Mais l’inattendu survient parfois,
le ronflement d’un autre me parvient aux oreilles,
d’un inconnu ou d’un ami à la respiration vibrante.
Ce son me transporte à travers l’espace-temps, le moment s’étire à l’infini.
L’impression d’une langue paternelle.
Extrait de Les petites mémoires