Sl’lom

2014

Vidéo en nuit américaine
9 min 55 sec
Vues d'exposition Cuesta Verde, Pavillon Blanc, Colomiers, dans le cadre du Festival international d’art de Toulouse, 2014

SL’LOM est un mot édenté.

SLALOM sans le A,

SLOW MOTION sans le “ON”,

SL’LOM est un trajet fondu au noir, démarré on ne sait comment,
et qui n’en finit jamais de tourner.

La question n’est pas de partir ou d’arriver, mais de faire œuvre d’un parcours.
Les temps de résidence et les déplacements usuels de Rémi Groussin lui ont permis de réunir le matériau de cette œuvre vidéo, soit quatre ans de prises filmiques pour un voyage bref mais saisissant. Constituer une ouvre déambulatoire depuis des lieux fixes
est une farce romantique - une production qui rompt la claustration sur le mode combiné de l’épouvante et de la plaisanterie.
Quand Ange Leccia, en résidence à la Villa Médicis, se filmait tournant en rond dans son atelier, Rémi Groussin en sort par la fenêtre de ses images accumulées comme des boules de terre à modeler, façonnées enfin selon un procédé accumulatif doublant d’une charge temporelle la nature géographique du voyage.
Nature géographique dont on mesure l’absence de balises, devant la difficulté à identifier les lieux filmés. Érodés par la pixellisation, ils sont plongés dans un bain de nuit américaine, procédé daté au double mérite de faire disparaître des éléments et d’en révéler d’autres. Ce retraitement systématique des images intervient sur des sites eux-mêmes artificiels : un simulateur de tempête ; un terrain de golf synthétique ; un parc aquatique. L’alternance de paysages parcourus et de paysages contemplés, de trajets vers la droite et vers la gauche, est le signe d’une chorégraphie manigancée non pour se souvenir de toponymie mais de mouvement.

SL’LOM est un voyage sans territoire.
SL’LOM ne cache pas sa mécanique : l’artiste use ouvertement des transports comme de machineries de travelling, réduisant la question du corps déambulant à un accident : un doigt passant par erreur devant l’objectif. D’ici à nulle part, l’artiste nous fait ainsi emprunter train, avion, toboggan, télésiège, sans autre indice que de suivre un trajet où la détérioration de ses souvenirs laisse la place à notre fiction.

SL’LOM est une simulation : reconstitution temporelle, nuit factice, lieux artificiels, mécanismes mis à jour. Le son lui-même participe au mensonge : pris en temps réel, il est étiré, mis en boucle, et peu à peu désolidarisé des images. Les lieux parlent même lorsqu’ils ne sont plus là ; tout comme la narratrice du film Les images d’Alix, de Jean Eustache, décrivant des photographies de manière désynchronisée. Cet entêtement à la fois dans la forme - cyclique - et dans l’illusion, empêche la tentation de sereine contemplation qu’il y a en puissance dans tout voyage. Ce refus de la patience, cet impératif capricieux à la fois de mentir et de révéler les ficelles, constituent une œuvre de résidence profondément hors les murs.

Arnaud Fourrier, ancien directeur artistique du Pavillon Blanc, centre d’art contemporain à Colomiers