Brise-vue.

Sandra Barré

Guilhem Roubichou, 2022, Brise Vue, brise-vues, mousse végétale, vue de l’exposition collective Résidence Secondaire, Memento, Espace départemental d’art contemporain, Auch

Dans le travail de Guilhem Roubichou, l’accident et l’imprévisible ont une place de choix. C’est peut-être pour cela qu’il utilise
 des matières déjà autonomes qu’il déplace, et désaxe de leur usage premier. C’est le cas de ces Brise-vues. Au grès de ses pérégrinations, il repère, chez les particuliers, des brise-vues, filets d’extérieur occultant, permettant de préserver une certaine intimité du jardin. Le climat variant au grès des saisons, une mousse s’installe et prolifère sur les parois en plastique. Elle offre des nuances allant du bleu au jaune en passant par les verts. Matérialisation d’un paysage vivant. Avec l’accord des particuliers et en promettant le remplacement des brise-vues, Guilhem Roubichou récolte ces bribes d’horizons et les monte sur châssis.
Déplacées dans l’espace d’exposition, les matières usuelles et considérées comme souillées par le lichen prennent une tout autre ampleur. Leurs variations chromatiques retracent le cycle
du temps et l’adaptabilité de la vie non humaine. Une vie qui
se respire puisque lorsqu’elles sont humidifiées (une action nécessaire à leur conservation), les mousses dégagent cette odeur sourde et verte que l’on retrouve dans les sous-bois prenant le pouls de la forêt.
Ces exhalaisons racontent une présence qui résiste, bien qu’elle ne soit pas toujours bienvenue et qui, placée dans un contexte d’exposition, revêt une autre valeur.

Auteur·e

Sandra Barré, historienne et philosophe de l’art, critique d’art et commissaire d’exposition, porte ses réflexions sur les non-visualités de l’art moderne et contemporain, particulièrement par le prisme des odeurs qui peuvent les traverser. Son travail s’envisage principalement par le rapport de l’odeur au corps. Elle réfléchit à l’expérience directe que permet l’olfaction, aux possibilités d’incarnations qu’elle offre et aux réponses qu’elle apporte face à la crise de la sensibilité formulée par Baptiste Morizot. Son essai L’odeur de l’art, un panorama de l’art olfactif (2021) est publié aux éditions de la Lettre Volée.

Ses recherches prennent également la forme d’expositions. En 2021, elle a carte blanche à la Galerie Pauline Pavec à Paris pour l’exposition collective Odore, l’art, l’odeur et le sacré, ainsi qu’en 2023 à la Fondation Espace Écureuil à Toulouse pour l’exposition collective Horizons Olfactifs. Pour chacune de ces deux expositions, elle a rédigé un catalogue-essai. En 2024 elle inaugure au Musée International de la Parfumerie à Grasse, l’exposition Mondes Sensibles, une histoire sensorielle de l’œuvre d’art total et l’exposition Par la fumée à POUSH sur les liens que tissent odeurs, patrimoine et mémoire.

Elle rejoint, en 2022, l’équipe des parfumeures du Studio Flair pour lequel elle dirige un espace promouvant l’art olfactif. Elle crée ainsi le prix Flair pour l’art olfactif, un prix soutenant et valorisant la création olfactive, ainsi que le podcast choral Flair l’art, qui visent à décrypter les liens qui unissent art, odeur et parfum.