Akousma Partie I
2020
Film
Couleur et son stéréo, 1 h
Avec le soutien de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerrannée et ICI - Centre Chorégraphique National de Montpellier/Occitanie
« Je suis Jeanne la folle… Ursuline la folle.
J’ai la cervelle de côté.
Vous gagnerez plus à me mener à Saint-Mathurin. »
Exorcisme de Jeanne des Anges, supérieure des Ursulines de Loudun
Pays-frontière à la jonction du documentaire et de la fiction, l’exposition From a speck of dust to strange things [un grain de poussière menant à des choses étranges] est l’incarnation d’un para-monde où l’histoire du bâtiment qui abrite aujourd’hui le Centre Chorégraphique National de Montpellier résonne grâce à la collaboration de Geoffrey Babel avec le collectif La Nuit Du Chasseur (Recherches sur l’Invisible). En janvier 2020, durant deux nuits, l’équipe professionnelle française queer de chasseuses de fantômes, est intervenue dans le lieu afin de tourner une enquête dans l’intention de créer une communication avec les entités présentes.
From a speck of dust to strange things évoque la notion de parcours géographique et mental. De cette formulation qui lui est apparue pendant qu’il effectuait des recherches sur les orbes – ces tâches blanches de forme circulaire apparaissant parfois sur les photos grâce au flash de l’appareil – l’intérêt de l’artiste se porte sur une double interprétation de ces formes, sont- elles des preuves d’existences fantomatiques ou grain poussière ? Avec la popularisation des caméras numériques dans les années 1990, des croyances et études ont émergé : les orbes constitueraient non pas un phénomène optique, mais un phénomène paranormal. Selon cette interprétation, les orbes seraient des entités qui se matérialiseraient au même titre que les fantômes, des manifestations de l’au-delà, voire des ovnis. Pour certains, les orbes sont porteurs de messages. Pour d’autres, ils ne sont rien d’autre qu’une simple poussière.
Œuvre in situ, l’exposition établit un dialogue entre une photographie qui présente l’ensemble des témoins de l’enquête, une série de dessins automatiques réalisés par l’artiste selon le protocole Ganzfeld dans les trois principaux studios de danse et [le film Akousma Partie I] immergeant le visiteur dans les images de l’enquête paranormale.
Cette proposition tente de créer une porosité interdisciplinaire entre l’art et la parapsychologie afin d’en extraire un langage plastique et sensible. Elle vient hanter ce lieu chargé d’histoires et d’énergies ayant connu au cours des époques des mutations tant sur le plan architectural que fonctionnel. Construit au XIVe siècle, son histoire est étroitement liée à celle des femmes dans notre société. Couvent dès la fin du Moyen-Âge, s’y succèderont trois communautés de religieuses : les Sœurs de Saint-Gilles, les Visitandines et enfin les Ursulines. En 1804, l’édifice devient une prison, les « femmes condamnées à la gêne, à la détention et aux condamnées correctionnelles » y seront affectées. Après de longues années de turbulences causées par une mauvaise gestion et des conditions insalubres, le gouvernement décide en 1934 la suppression de la Maison centrale de détention pour les femmes qui devient par la suite la caserne militaire Grossetti. La Gestapo allemande y installera un centre d’interrogatoire des résistants. L’édifice est finalement acquis en 1986 par la Ville de Montpellier. En 1994, la chorégraphe Mathilde Monnier mène le projet de création d’un Centre chorégraphique concrétisant les souhaits de Dominique Bagouet, qui fut avant sa disparition un acteur majeur de son développement. En 1997, l’édifice devient officiellement un lieu de création, de recherche et de formation spécifique pour la danse contemporaine.
Imbibée de ces événements, La chambre d’écho se mue en un espace transhistorique où cohabitent les traces du passé : celles de l’histoire du lieu et celles de l’investigation nocturne, introspective et physique menée par les chasseuses de fantômes et Geoffrey Badel. Cristallisée au sein de l’initiation collective, de la réunion autour des marges et des images, l’exposition devient le théâtre sensible de l’expérience parapsychologique où se brouillent à la fois les convictions du collectif La Nuit Du Chasseur (Recherches sur l’Invisible) et la mise en scène de l’acte performatif. De ces contextualités déplacées subsistent des historicités à la fois écrans du passé et preuves d’un Ailleurs potentiel. Elles échappent à la spectacularité à laquelle elles sont historiquement soumises, à celles qui ont longtemps peuplé la traduction des phénomènes paranormaux relatés dans les récits de possession de femmes analysés par Michel de Certeau dans La possession de Loudun. Agissant comme un double du réel, l’espace d’invocation de l’exposition sonde les perceptions et tente ainsi d’ouvrir la voix : comment incarner l’invisible au-delà de toute reformulation de l’histoire fantasmée ?
Texte de l’exposition From a speck of dust to strange things par Laureen Picaut

Photographie des participant·es de l’expérience, 2020
© Adagp, Paris
Vue de l’exposition personnelle From a speck of dust to strange things, Chambre d’écho, Institut Chorégraphique International - Centre Chorégraphique National, Montpellier
Akousma Partie I, 2020, bande-annonce du film














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