Ce rouge là, c’est un feu sur une plage, Galerie Robet-Dantec, Nantes

Un mur

Tel mur

Mur à l’extérieur, mur de la cour

Le mur de la chambre

Un mur

Tel mur

Mur entre deux mondes

On ne traverse pas

Haine du mur

Sa faille

Un enfoncement dans le mur

L’amour dans l’angle du mur

Tel mur

Grimper sur le mur

Se cacher derrière, se cacher dedans

Y cacher des secrets

Y glisser des mots, y coller des phrases

Un mur témoin

Mur dont on hérite

Un mur fragile

Prier pour qu’il tienne

Un mur dur

Prier pour qu’il tombe

Se cogner la tête, s’arracher les mains

Graver le mur

Passer à travers le mur

Le mur des pièces dans le rêve

Le mur des couloirs dans les espaces liminaires qu’arpentent les joueurs

Tel mur

Camper au pied

Assaillir la forteresse, établir la muraille

Ceinturer de murs le sanctuaire

Murer l’arche

Longer le mur jusqu’à la trouée

Murs effondrés d’un temps fini

Les hommes les dressent et puis s’en vont

Brique

Telle brique

Telle brique et telle brique

Qu’a façonnée mon père de ses mains

Que ma mère a façonnée et mis à sécher avec ses propres mains

Tel pâton d’argile prélevé sur les bords de l’Euphrate

Et nous pleurons

au souvenir du son de la brique

Telle brique

Le son brique, brique crue

Le soleil sur l’Euphrate et la brique

Le soleil le soir sur la mer Rouge et la brique crue s’endort dans l’ombre

Telle brique

Telle portion de mémoire

Telle langue

Cette façon de sonner qu’à la langue de l’Orient dans les livres

La langue des documents araméens d’Eléphantine-la-forteresse

Quand un tel remercie sa soeur pour les draps qu’elle lui a envoyés

il y a trois mille ans

Telle brique

Les tessons de vaisselle qu’on appelle ostraca

Et les bols gravés retrouvés dans le Tell

L’histoire de Qédar, de Geshem l’Arabe

Les petites signatures, les mots

Telle brique

Les déclarations

N briques

Texte original de Bruno Almosnino