Elegy for the mundane.

Michaël Blin

La photographie de Gaël Bonnefon induit la question du corps et de son engagement. Loin d’une photographie conceptuelle ou sérielle qui serait gouvernée par un but et développée dans un discours précis, l’enjeu de son travail se fonde dans un abandon à l’autre et aux situations traversées. Sans calcul et sans préméditation, l’implication du corps, du geste et de l’œil permet la rencontre, engage vers des chemins hasardeux et parfois accidentés, aux détours desquels peut surgir une image.
Cernée par les paysages de l’enfance, traversée par des horizons lointains et peuplée de corps et de visages, sa photographie développe une cartographie d’un monde à la fois fantasmé et réel où la trivialité de l’existence côtoie la grâce dans un équilibre précaire et vital. Paysages, situations, visages, mouvements sont saisis avec vivacité et scintillent au centre des nuits. Ils tissent l’étoffe du quotidien qui est travaillé comme une matière précieuse, d’une valeur inestimable. Cette étoffe est tour à tour le linceul qui recouvre le temps, l’autre, le monde, nos sentiments et nos souvenirs, mais elle est aussi un voile que l’on dérobe et qui offre au regard des fragments de vérité, qui capture l’ombre des peurs, permet des promesses de bonheur.
De prime abord brutale et déclinante, la matière de la photographie de Gaël Bonnefon est à l’image d’un regard qui redoute de s’éteindre un jour et qui cherche toujours à renaître. Il en va de la photographie comme de l’amour, recul et désir, tension et relâchement, répétition, errance et repos, fuite et poursuite. La photographie se laisse ici traverser par des éclats de vie, des regains de vivacité, des échos de douceurs lointaines et de joies perdues. Elle chante en silence, c’est une amante aux milles visages, de laquelle naît le fil d’une seule et même image poursuivie sans relâche, depuis les hauteurs enneigées de l’enfance, jusqu’aux mondes perdus du présent.

Auteur·e

Michaël Blin (né Soyez) est né en 1987. Il obtient en 2011 un DNSEP à l’Ecole des Beaux-Arts de Toulouse où il entame une réflexion sur la narration via les médiums de la photographie, de l’écriture et de la vidéo. Il développe depuis un travail photographique intime et quotidien à travers plusieurs séries photographiques : Noli me Tangere, Contrepoint, Sehnsucht… exposés à Bruxelles (Espace Contretype), Marseille (Villa Méditerranée)… En parallèle de ce travail il écrit et réalise des films : en 2016 son premier film Knockdown, essai documentaire réalisé avec le soutien du G.R.E.C. obtient le prix du pavillon au festival Côté Court. En 2018, il réalise un court métrage de fiction : Prendre feu, sélectionné à la Berlinale 2019. En 2021 Lise, second court métrage de fiction. En 2022, il termine un moyen métrage : Ostende. L’écriture sous tend son travail visuel et narratif et accompagne chacun de ses désirs de fiction.