à propos.

Geoffrey Badel

Empruntée à Edward T. Hall, anthropologue américain et spécialiste dans les relations interculturelles, l’expression «langage silencieux» définit le langage non-verbal qui est pour l’auteur une source essentielle de la communication mais également de quiproquos culturels. Il défend que l’influence de la culture sur les comportements et les schémas culturels, limitant les alternatives individuelles, peut être dépassée par la prise de conscience de l’existence de l’univers culturel de chacun.

À partir de ses études sur les dimensions cachées et inconscientes de la culture, j’élabore une démarche personnelle sur le langage grâce à mon vécu dans le but d’élargir le spectre du possible dans nos manières de faire du sens. Etant une personne entendante ayant grandi au contact de la communauté sourde et pratiquant la langue des signes française, le dessin est très rapidement devenu un outil de communication évoluant en parallèle de la parole et de l’écrit (Dactylographie (LSF), série de dessins, 2024. Ecoute télépathique, dessin, 2021. Solastalgia, dessin, 2022).

Envisageant le monde sourd comme un para-monde, je travaille à partir d’espaces réels ou imaginaires qui lui font écho selon moi, c’est-à-dire des espaces invisibilisés, oubliés et marginalisés, comme les lieux hantés, les prisons, les hôpitaux psychiatriques ou encore les cavités où se réfugient les chauves-souris. Mon intérêt pour les pratiques paranormales dans lesquelles l’écoute sensible est privilégiée m’a permis de développer une série d’investigations et d’expérimentations tentant de renouer une relation nouvelle avec ces espaces pour guérir et apaiser leur histoire par l’acte performatif (Oscillation, performance (France), 2018. Looking After, performance (Inde), 2018. The Ghost Seeker, performance (Italie), 2019). A différentes époques, la magie et la langue des signes se sont vues réprimées et proscrites sous le pouvoir en place. Donnons par exemple, l’avènement de la chasse aux sorcières en France au XVIe siècle et le Congrès de Milan en 1880 adoptant en Europe l’obligation de l’oralité au détriment de l’enseignement de la langue des signes jusqu’en 1991. Ces années d’interdictions ont causé des vides et des blessures dans la transmission des savoirs de la culture sourde et celle des sorcières, et donc de leur reconnaissance. A travers des gestes de réparation, ma démarche tend à restaurer une mémoire silencieuse (Akousma, trilogie, 2020-2023), celle de l’inconscient collectif et du non-verbal, en prenant comme cadre magique de référence la Wicca.

Text by Geoffrey Badel about is practice