Mélancolie du crépuscule.
Sébastien Porte
Ce qui d’emblée berce l’œil dans le travail photographique de Gaël Bonnefon, c’est cette persistance d’une lumière déclinante, son jeu de clairs-obscurs et de flashs, ses ciels laiteux et ses couleurs saturées à bloc.
Deux ans seulement que ce jeune plasticien de 28 ans est sorti des Beaux-Arts de Toulouse, et il a déjà exposé plusieurs séries, élaborées selon ce parti pris formel, sur la représentation du déclin (About decline), mais aussi du sommeil et du rêve (Traum) ou de l’abandon et la destruction (L’Entraînement). A chaque fois, dans son processus narratif, la technique est associée à une subtile mise en scène des sujets que la lumière accable : nus avachis, personnages en perdition, visages captés dans leur ivresse, compositions urbaines maculées de flocons préapocalyptiques… Une vision du quotidien qui n’exclut pas un certain esthétisme naturaliste, comme dans cet élégiaque cliché d’About decline où une femme en robe fuseau marche de dos dans un décor de neige.
Le monde crépusculaire qui se déploie chez Gaël Bonnefon s’offre d’abord, en apparence, comme plongé dans un immense halo artificiel. Mais très vite, c’est dans le registre du paysage mental et du journal intime qu’il bascule. Le trouble qu’il jette en devient alors des plus efficaces. Comme si, renseignés par ses artifices, nous sentions que le crépuscule auquel nous avons ici affaire n’est pas celui de l’imagerie conventionnelle.
Le monde selon Gaël Bonnefon est une réalité douteuse, un crépuscule figé auquel ni la nuit ni le jour jamais ne succèdent. Et où se murmure un propos d’une intense étrangeté.