Entre les gens.
Paul de Sorbier
Avec Not a word, Gaël Bonnefon propose une installation qui agence plusieurs projections de films Super 8 et des affiches assemblant des impressions d’images captées à la camera obscura. Elle se montre immersive en dosant dans l’espace mouvement et fixité. Dans cette œuvre, la signature du travail de l’artiste affleure partout, le figuré est altéré au profit de la mise en évidence d’un langage photographique fait de matérialité brute et abstraite. Les sujets demeurent, mais ils sont à la limite de disparaître. Ils participent d’un palimpseste et s’inscrivent dans un tout, fait de rayures, de taches, de flashs luminescents, autant d’accidents recherchés depuis la prise photographique et jusqu’au travail en laboratoire. La beauté surgit et saisit. Peut-être parce que les images de Gaël Bonnefon ressemblent à la manière dont la mémoire est enfouie en chacun : un ressac dont chaque vague est plus ou moins imprécise ? Peut-être parce qu’elles se donnent à voir comme un encodage du réel qui se transforme, sous nos yeux, en images de souvenirs ? Le regardeur est invité à la contemplation, au spectacle d’une image dégradée, mais toujours réinventée dans sa dégradation conduisant à une forme d’hypnose. L’artiste insiste d’ailleurs sur des motifs ; par exemple, dans la première salle de l’installation, deux types de cadrages sont placés en vis-à-vis : des visages serrés et des paysages ouverts. Enfin, il s’agit de souligner que les enjeux plastiques que véhicule le travail de l’artiste sont « rejoués » à l’échelle de l’espace. Les films ne sont pas synchronisés les uns avec les autres ni avec la bande-son composée par Bertrand Segonzac. Ainsi, à tout instant, la matière produit de nouveaux méta-montages faits de télescopages, de rencontres et de hasards.