Sur des nuances et autres insaisissables
Andrea Novoa Rodriguez
…aérien, inattendu, tiède, ensoleillé, ce jour là l’après midi s’est annoncé de la sorte devant un portail bleu qui présageait le sud-est. Elle souriait accueillante en ouvrant la porte. Des fleurs blanches à même le socle attendaient eux aussi en guise d’accueil. La personne1 incarnait le travail et vice-versa et on se sentait à l’aise depuis le début. Un échange fluide et sincère sur la vie, sur le travail et ses vicissitudes, sur l’histoire d’une artiste et d’une carrière qui émergent de pied ferme car elles le méritent. Le récit du construit non sans obstacles – comme on aime -, un échange, pas un monologue. La conversation s’est avérée intéressante car le partage était transparent. Un café raté et un café réussi plus tard nous avons décidé - quand même - de parler « de travail », même si chez nous tout est l’un et l’autre. Des bribes étaient disposées un peu partout et nous les avons traversées petit à petit le long de la conversation. Durant celle-ci des petites histoires se mélangeaient à l’Histoire dans notre dialogue car elle réfléchit à des sujets universels à travers un prisme très personnel, délicat, et en effet elle nous touche tous dans cet élan. Nous parlions, nous regardions, nous touchions. Des objets, des substances, des choses qu’à dessein deviennent pièces quand elle traduit le concept en objet sensible, artistique, éphémère. Ces morceaux de pièces qui l’ont été, qui le seront de nouveau peut-être, elle les chérit en tant que tels, comme des pistes de quelque chose, des idées qui existent autonomes et qui construisent l’œuvre à un moment précis et dans un contexte particulier, celui de l’exposition. Il s’agit d’une chercheuse d’âme et d’une artiste « du faire » : elle aussi existe dans l’espace d’exposition, quand elle l’habite. Se mettant parfois en retrait on dirait qu’elle essaie de tuer l’auteur, de partager une autorité qu’elle assume ne lui appartenant pas entièrement car ces sujets sont une responsabilité commune, politique. Secrètement, j’ai pensé à un illustre sémiologue2 français, au signifiant et au signifié, à l’écrivain et au lecteur, à l’œuvre artistique et ses témoins, ces interprètes qui vont inéluctablement la compléter. Je n’ai pas partagé ces pensées car, de toute façon, c’était elle qui me les dictait dans d’autres mots. Elle assemble des pièces comme des mots - dans ses propres paroles qui pensent à George Perec 3 -, déployant une syntaxe poétique et précise dans l’exposition. S’enchaînent ainsi dans notre parcours une couronne d’olivier tressée qu’elle avait soigneusement gardée dehors, un ballon doré4 aujourd’hui dégonflé5 - dans l’attente d’une impossibilité de revivre -, des feuilles qui sont des paysages6 qui ne le sont plus, des cartes postales7 … Tous ces éléments étaient étalés dans son studio et nous les avons décortiqués sans nous dépêcher, en les ponctuant par des expériences qu’ils soulevaient en permanence. Du presque rien, des pièces comme des mots, et pourtant. Des fleurs8 blanches.