Une histoire de gestes.
Nicolas Puyjalon
« Bonjour, je m’appelle Nicolas Puyjalon, né en 1983 (je vous laisse faire le calcul).
Ma pratique est essentiellement tournée vers la performance et l’écriture.
J’investis des espaces en marge, à la marge. Salon d’appartement, chambre, placard, atelier, hall d’accueil, couloir de musée, garage, terre-plein.
Je, sujet désirant, entre en scène. Je agît sur lui-même, se contrôle, s’éprouve, s’abîme, se transforme.
Lors de ce corps à corps, on peut certes envisager ce qui va/pourrait se dérouler mais reste la surprise du réel, les entraves, les succès, « l’imprévu ».
Or bien souvent, Je rencontre l’échec (face à la représentation), la maladresse du corps (peut-être de celui qui apprend), le ridicule (la réalité du corps semble perdue dans un milieu qui n’est pas le sien).
Une construction de soi dans laquelle se confrontent ce qui nous est imposé et ce que nous reconnaissons (découvrons) comme nous étant nécessaire.
Je dessine au scotch un lieu fictif, espace du mouvement.
J’extirpe, collecte, découpe, colle, assemble des fragments de matériaux récupérés. Je brode à l’aide de cordes et de scotch, encore et encore.
Une forme fait surface, opposant des obstacles, et créant des résistances.
Torture mentale et physique : mon corps source de vie et d’emmerdes.
Résister. Comme une illustration des rapports de soumission aux forces extérieures.
Corps tendu au-dessus du vide faisant le pont entre deux murs.
Corps tendu, raidi, en combat ne finira jamais par triompher. Mais sa résistance sera héroïque, ou grotesque.
Aspiré par la terre, mais résistant.
Exercice de la virilité ?
Volonté de la puissance ?
Le pire de l’humiliation c’est le geste inutile.
Dans le combat, résister encore.
Je suis tombé par terre.
Même pas mal.
Juste : inadapté au monde.
C’est l’homme seul, discrètement burlesque, silencieusement triste.
Le public stupéfait est pris en otage.
[Qu’est-ce que je peux faire ? sauter aider crier / crier mon envie de t’aider / mais non, rire crier mon rire / Réussir ne pas réussir un rire, une gêne / Ne pas réussir à réagir.]
Tenter de fuir, mais impossible de s’échapper.
Fulgurant Fiasco.
Et tout cela reste conscient, jusqu’aux limites de mon corps.
Car l’homme s’épuise, s’abîme, se blesse.
Sisyphe démontrant l’impossibilité du mouvement perpétuel.
Ou alors nouvelle posture.
Retournement de situation.
Scène imprécise, désespérée, dérisoire.
On n’y croyait plus vraiment, et pourtant…
Pourquoi pas ?
Négation du corps lourd, vers le ciel, voire plutôt l’ascension, en route vers l’immatérialité / l’immortalité.
Au bout de ce long effort mesuré par l’espace sans ciel et le temps sans profondeur, le but est atteint.
Tout est bien.
Voilà. »