The Happiness project - Séquence

2014-2018

70 tirages jet d’encre, photo-reliefs, swiss balls, cages de hamster, étagères et légendes emoji
Dimensions variables

Au départ de ce projet nous voulions interroger nos outils de travail. Comment les logiciels, les applications et les interfaces numériques que nous utilisons au quotidien modèlent notre perception et façonnent le type d’art que nous produisons.

En 2014, après avoir obtenu une bourse des Services culturels de l’ambassade des Etats-Unis, nous nous sommes rendus dans la Silicon Valley ; ce territoire d’une cinquantaine de kilomètres se situant en Californie entre San Francisco et San Jose. Cette zone concentre nombre d’entreprises liées au numérique et s’est développée au millieu du XXè siècle autour de l’université de Stanford, grâce au croisement improbable entre la recherche pour l’industrie militaire et la contre-culture hippie.

À rebours du style documentaire (1) traditionnel, nous avons étudié ce territoire à travers des écritures multiples comme le collage, l’installation ou le livre. Les différentes productions qui constituent cet ensemble questionnent aussi bien les notions d’interfaces numériques, le management horizontal, le culte de la performance, que la représentation liquide du cyberespace.

(…)

Dans l’installation Séquence (2015), nous avons présenté une frise de photographies prises au contact de tech people, dans des startups, des lieux de loisirs, mais également sur des spots iconiques de l’histoire de l’informatique et des réseaux comme les garages d’Apple et de Hewlett- Packard, surtitrées avec des émoticônes. Ce procédé de traduction interroge différents niveaux de représentation, et rappelle au passage les expériences tautologiques des artistes conceptuels Joseph Kosuth ou Victor Burgin.

Les instantanés montés bord à bord créent un univers englobant, immersif, presque saturé d’informations, et souligne la difficulté à prendre du recul sur ces technologies si présentes dans notre expérience quotidienne.

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Avec The Happiness Project nous avons essayé de saisir quelque chose de cette mise à plat et cette dehiérarchisation des différentes formes de représentations que l’on expérimente chaque jour sur les écrans. C’était un moyen de prendre acte d’un changement de paradigme, qui affecte le champ artistique et le statut de l’image comme tous les autres domaines de la vie quotidienne – un de ces basculements d’époque tels que les décrivait Walter Benjamin au début du XXè siècle :

À de grands intervalles dans l’histoire, se transforme en même temps que le mode d’existence, le mode de perception des sociétés humaines (2).

Robert Drowilal

1 - Olivier Lugon, Le Style documentaire. D’August Sander à Walker Evans, 1920-1945, Paris, Macula

2 - Walter Benjamin, L’œuvre d’art à l’ère de sa reproduction mécanisée. Écrits français, Gallimard Folio, Paris, 1991