Préface.

Thomas Havet

« Dans la tragédie, la catharsis est un voyage émotionnel qui purifie les spectateurs. » - Poétique, - 335 av. J.-C., Aristote


À l’incipit, il y a le dessin. Le dessin du père et de ses pairs : une manière de se forger une culture graphique, un univers où l’humour y est cinglant. Dès l’enfance, Alison Flora découvre les dessins d’illustration ou de caricature de Roland Topor, mais aussi ceux de la famille Crumb. Des pratiques qui se nourrissent de l’observation, de regards aiguisés sur nos mondes et qui se fient des frontières du papier. Alors chez Alison Flora, le dessin est multiple et émancipé. Explorant les méandres d’un enfer contemporain - génération Y -, abreuvée par la littérature gothique, l’heroic fantasy et le black metal, elle entreprend une pratique du dessin obsessionnelle où médiévalisme, folklore et mysticisme s’entremêlent pour esquisser les contours d’un espace de grande liberté et d’expiation.


À l’explicit, il y a la peinture de sang : un sang-âme - récolté par intraveineuse selon un protocole d’une précision médicale - d’une forte ambivalence. Le dessin devient peinture. Sur de grands formats de papier, Alison Flora peint avec son propre sang, une manière assurément d’atteindre l’hyper proximité avec son médium. Alors dans les couches de sang, pompeuses ou funestes, apparaissent les architectures de palais fantasmés, de donjons habités d’âmes ; âmes qui flottent comme autant de personnages de légendes ou de contes occitans. Par cet acte qu’elle qualifie de “transcendant”, l’artiste use de magie et convoque les sorcières d’un temps, et les références d’un autre, comme la peintre Remedios Varo à qui elle rend hommage.


Au préquel, les carnets de croquis. Cette édition permet de les parcourir. Ainsi, entre les pages reproduites ici, s’affirme le style d’Alison Flora. Sous les traits des stylos, des crayons, des feutres ou des pastels naissant une galerie de personnages, corps aux visages de masques, princesses apeurées, chevaliers incarnés. Paysages et architectures font corps. Corps et architectures fusionnent. Indéfiniment, sous les traits organiques des dessins de l’artiste. La chevelure des princesses dessine les vallons de paysages chevauchés par des chevaliers aux visages fantasmagoriques. De pages en pages, les croquis tissent une narration aux multiples directions, sûrement inspirée par les livres dont vous êtes le héros, épopée romanesque de la génération Y s’il en est. Alors en pérégrination, retrouver la fougue de l’artiste, narratrice omnisciente, qui comme dans un conte nous entraîne à nous perdre dans les dédales de labyrinthes gothiques et à nous métamorphoser sous les traits de différentes héroïnes, dans l’espoir de trouver une porte de sortie, une échappatoire. Telle une mise en abîme de ce pouvoir du dessin pour l’artiste : libérateur, émancipateur, purificateur. La catharsis dessinée d’Alison Flora est résolument fluide et chimérique.

Texte de Thomas Havet publié en préface de l’auto-édition Catharsis d’Alison Flora, 2024

Catharsis

Édition des carnets de dessins de Alison Flora
préface de Thomas Havet, directeur de DS Galerie
dessins réalisés par Alison Flora entre 2020 et 2023
conception graphique et mise en page par Laura Zanti
impression offset, couleurs, 92 pages, 15 x 21 cm
200 exemplaires
auto-édition, Toulouse
avec le soutien de la Région Occitanie, aide à la production année ?
2024

Auteur·e

Architecte de formation et curateur autodidacte, Thomas Havet est directeur de la galerie DS Galerie, Paris. Thomas Havet met ses compétences au service de sujets transverses dans les champs de l’architecture, des arts appliqués et de l’art contemporain.
Il a collaboré avec l’agence Manifesto sur le projet POUSH à Clichy en tant que responsable de site (2020-2021) et a conseillé Jérôme Poggi dans le cadre du développement de sa galerie dont il a réalisé le projet de transformation rue Beaubourg en 2020. En tant qu’architecte, il fonde en 2019 le Studio THAA qui revendique une approche sensible pour concevoir des projets d’architecture intérieure avec rigueur et malice. Depuis le studio a mené la réhabilitation de plusieurs espaces privés, de bureaux, de stand retail toujours à la croisée de l’art et de l’architecture.
En 2016, Thomas Havet initie le projet curatorial Double Séjour dans l’espace éponyme de son appartement. De l’organisation d’expositions collectives à l’édition, c’est à travers divers évènements nomades et protéiformes que Double Séjour a ouvert de nouveaux terrains d’expérimentation aux artistes, propices aux dialogues, aux rencontres et aux collaborations avec d’autres structures créatives.
En 2023, après six années d’existence, Double Séjour se mue en DS Galerie sous la direction de Thomas Havet et s’installe de manière pérenne au coeur du Marais pour embrasser pleinement le modèle de la galerie et continuer à promouvoir et à accompagner des artistes émergents internationaux.