Bonjour. Je m’appelle Nicolas.
Nicolas Puyjalon
Bonjour
Je vais me présenter rapidement.
Je m’appelle Nicolas, pédé, célibataire, potelé & toujours partant pour une gâterie.
Ado, j’ai commencé par apprendre la danse, ce qui a permis au garçon rond et timide que j’étais de poser son corps dans l’espace: c’est mon langage.
Je suis revenu m’installer à Toulouse en 2018, après 12 années passées à Berlin. Revenu parce que j’ai étudié dans les ateliers Performance et Ecriture et poésie sonore de l’isdaT, à Toulouse.
J’ai d’abord beaucoup pratiqué la performance seul, dans l’effort, la contrainte, l’échec, mais assez rapidement, j’ai aussi développé un travail avec d’autres, souvent en duo, en dialogue, dans l’expérimentation, le jeu, des regards croisés, comme avec Zabo Chabiland, Pauline Payen, Leila Peacock, Estelle Vernay, et plus récemment Cécile Dumas, Emilie Franceschin et Jérôme Souillot.
Je vais vous parler du projet sur lequel je travaille et réfléchis depuis quelques années et qui s’articule autour de la question de la trace, ce qui se transmet, ce qui reste et ce qui ne reste pas, et de questions qui gravitent de manière récurrentes dans mes réflexions autour de la communauté pédé, à laquelle j’appartiens, ses mémoires, ses lieux, son langage, ses rites et puis surtout je questionne ma place au sein de cette communauté.
En 2017, suite à une résidence à Quebec (Oeil de Poisson), on me parle d’un projet d’exposition sur les aires d’autoroute reliant Québec à Montréal (Truck Stop) pour lequel, inspiré librement de la figure du Bears, de la pièce de Nijinski et Debussy L’après-midi d’un faune et du roman de Richard Brautigan Sucre de pastèque, j’imagine construire une cabane. Elle serait à la fois lieu de vie, bouge, tripot et de repli. Un refuge. Un espace safe qui est une question centrale des espaces communautaires.
De retour à Toulouse, j’articule un projet intitulé Cartographie : déplacements et écriture du territoire pédé. Fait de rencontres, zones de cruising, lieux de drague, de lutte, de bars et autres, il est temps de donner une géographie à une civilisation pédé à la fois personnelle et collective. Il s’agit de mettre en lumière les diverses formes de créativité dont a su faire preuve une communauté pour survivre, communiquer, se créer un corps social et spatial, tant il y a nécessité aujourd’hui de faire histoire comme de produire des archives vivantes en liant des formes d’activismes LGBTQI à des pratiques artistiques, de réactiver une mémoire, de créer à partir d’une histoire qu’on ne transmet pas, notamment avec la danse du tapis, par exemple.
Je pense plus particulièrement à la question du rire, du clown et du thérapeutique. Je pense alors aux Soeurs de la Perpétuelle Indulgence, et aux slogans qui jalonnent nos luttes : « qui sème le vent récolte la tapette », « sida is disco », « power to the tapiole ».
Le clown donc. Celui que je rencontre avec Clémence Caillouel est seul. Dans sa chambre. En quête de résonnance, de ce qui lui met l’eau à la bouche.
Je me rappelle la lecture de Queer Theater (Jack Smith) de Stefan Brecht, des acteurs qui passent des heures à se préparer, bouger une lampe, un foulard, changer un vynil, dans un espace intime, et qui m’a énormément construit.
Ce clown puise à l’intérieur, c’est l’intime qui le nourrit. Je l’intègre progressivement dans ma pratique, il me permet d’explorer et de déployer les notions d’auto-dérision, de transformation et d’auto-guérison. Explorer le soin par le rire. Se rendre vulnérable, chercher ce qui peut être guéri. Largement inspiré des outils de Rebecca Chaillon pour performer l’intime, je partage alors mon rapport au corps (celui dont je ne parle jamais), à la bouffe, aux regards des autres, de la communauté, au porno.
En 2023, pour préparer une série de mini-résidence et performances, à La Chapelle Saint-Jacques, AFiac et la VRAC, je pose sur le papier un personnage, à la croisée du clown et de Gaston Lagaffe, pour tenter de penser des actions futures. Une histoire de gestes.
Lors du Cabaret Sommes, créé avec Emilie Franceschin, Laura Freeth, Juliette Pym et Jérôme Souillot, je continue l’exploration avec la nourriture, à partir d’un texte de Cy Lecerf Maulpoix pour la revue Trou Noir n°2 Aimons-nous le sexe intitulé Fragments scatopolitiques.
Dernièrement, pour l’exposition collective Sémillance des limbes à La Maison Salvan, en travail de résidence, je prends pour point de départ un ouvrage de Stephen Vider, The Queerness of Home: gender, sexuality, and the politics of Domesticity after World War II pour questionner l’habiter, la quotidienneté, la domesticité. Je puise aux sein d’archives personnelles et celles d’un magazine pédé avec lequel je me suis construit au fil des années, Butt Magazine, et crée une série de dessins, sorte de trame narrative à la réalisation de vidéos, L’été de la tante. Il s’agirait peut-être alors de cartographier l’intime, le domestique autant dans les gestes que de créer les endroits ou situation de cet intime.