Alison Flora - Mythes et onirismes gothiques.

Laëtitia Toulout

Chaque année, trois artistes de moins de 35 ans bénéficient d’une exposition aux Abattoirs de Toulouse grâce au Prix Mezzanine Sud, soutenu par les Amis du musée. Focus sur le travail d’Alison Flora, l’une des lauréat.e.s. 2022.

L’exposition d’Alison Flora nous fait plonger dans un imaginaire fait de magiciens fantômes, de chaînes et de cordes, de dédales de ruelles, de couloirs qui ne mènent nulle part et de chemins sinueux dans des forêts, de fenêtres ouvertes sur des grilles… Des êtres étranges, hybrides, nés du croisement des cauchemars intimes et de figures issues de la culture populaire, croisent tous types d’impasses. Ces représentations disent les blocages et les angoisses, projetées au travers des mythologies que nous partageons culturellement et collectivement.


Alison Flora s’inspire des légendes régionales, en l’occurrence le folklore occitan. Des histoires souvent méconnues hantent ainsi les œuvres. L’artiste évoque Pyrène, qui donna naissance à un serpent mais est aussi à l’origine de la dénomination de la chaîne de montagne des Pyrénées, ou encore la Sarramauca, une figure féminine connue pour s’asseoir sur la poitrine des dormeurs jusqu’à les étouffer. Ces légendes ont été transmises de génération en génération et survivent aujourd’hui dans les livres et dans les musées.


En écho aux objets du passé qui peuvent être sanctifiés, l’œuvre Peigne à dent de poignard est une sorte de démêloir en fer disposé sur un lit de pierres translucides, le tout protégé par une vitrine. Cette mise en scène rend particulièrement précieux ce qui y est présenté, lui conférant une aura sacralisée. L’objet paraît avoir traversé les temps et servi à des rites obscurs. On imagine alors un morceau d’histoire, un témoignage qui entre en écho aux particularités culturelles d’une société, d’une région. S’en inspirer, c’est ici partager des référentiels communs, ou les faire découvrir. Ainsi, l’histoire se construit.


Les peurs – de folie, de mort – sont partagées. De tout temps, chaque société a cherché à expliquer l’inconnu, à exorciser les hantises. C’est ce que produisent les œuvres d’Alison Flora, qui s’imprègnent des symboles de personnages de contes, d’architecture de style médiéval, de la nature vierge et d’éléments surnaturels dignes de romans gothiques qui se reflètent comme dans un miroir. L’artiste joue avec des reflets, des parallèles. Des armes en fer, disposées comme sur un champ de bataille, ou bien complétant des toiles qu’elles entourent, entrent en écho avec la matière utilisée : son propre sang. C’est en effet du sang qui donne ces tonalités de rouge bien particulières.


Les œuvres prennent une autre dimension aux yeux du spectateur qui apprend qu’il ne contemple non pas de la peinture, mais des aplats d’hémoglobine, matière autant intimement personnelle qu’universelle. Dans les visions collectives, la perte de sang peut renvoyer aux cycles menstruels, aux blessures ou à la mort. Ici, Alison Flora s’en empare comme d’un matériau, désacralise son propre corps pour figurer matériellement les images qui la hantent. L’imaginaire de l’artiste sort littéralement de son corps.

Text by Laëtitia Toulout about the group show Mezzanine Sud – Prix des Amis des Abattoirs with Alison Flora at Les Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse, Toulouse, France, 2022

Text published in Artaïs Art Contemporain, N°30, 8th march 2023

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