Lâcher prise

2018

Performance
Photos familiales 10 x 15 cm, javel, plat pyrex, épiscope et autels bouddhistes
Vues de la performance
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Performée
2023 : à l'occasion de l'exposition collective Flies, dans le cadre du Daown Festival et de Non-Étoile, Tour Orion, Montreuil, commissaire Alexandra Goullier Lhomme
2018 : dans le cadre de l'Atelier Collectif de Décisions Contemporaines – AC/DC de l'isdaT, La Cuisine centre d’art et de design, Nègrepelisse

Devant une foule intriguée, soudainement projetée dans l’intimité d’une anonyme, Socheata Aing présente un autel peuplé de photographies par dizaines. Une par une, elle les prend et raconte, aux inconnu·es rassemblé·es autour d’elle, l’histoire de sa famille par l’anecdote, le décès d’une de ses sœurs, le sourire d’une autre, le lieu ici visité ensemble ; elle pose un nom sur des visages toujours chéris par elle, d’abord étrangers 
pour les autres, bientôt devenus familiers pour tou·tes. Et puis, délicatement, dans le bac de javel posé devant elle, elle les lave, une par une, jusqu’à retrouver le blanc mat et neutre du papier photo. Les couleurs se liquéfient jusqu’à fondre complètement, les sourires se noient, les yeux disparaissent.
 

Comment ose-t-elle ? L’apparente profanation se fait dans la douceur la plus extrême. L’image figée d’instants passés à jamais a disparu dans les ondoiements de l’eau trouble ; que reste-t-il du souvenir ? S’est-il enfumé avec son support ?


Extrait d’un texte de Horya Makhlouf, 2021, commandé par la Maison des arts Georges et Claude Pompidou, Cajarc, dans le cadre du programme Horizons, en partenariat avec l’isdaT, Toulouse, le MO.CO ÉSBA, Montpellier, l’ÉSBAN, Nîmes et l’ÉSAD Pyrénées, Pau et Tarbes, lire le texte en entier ici


Le cadre à photo

Le cadre à photo est l’habit de la photo.
Le cadre fin en métal argenté pourrait être une robe de soirée chic.
Le gros cadre doré avec des moulures pourrait être un vêtement solennel.
Le cadre basique et bon marché pourrait être un simple t-shirt uni.
Et le cadre stylisé pourrait être une tenue à la mode.

Plus que de l’ornement, le cadre à photo est une vitrine qui met en scène des moments de vie passés,
que l’on souhaite conserver et donner à voir aux autres.
Tel un socle, il sacralise ces photos et nous amène à les admirer.
La photo nous rappelle que cela a existé, mais aussi que cela n’est plus.

La photo est une mémoire, une archive.
Mais le souvenir, c’est autre chose…
Le souvenir, c’est vulnérable et changeant,
Ça nous échappe… ça va-et-vient au rythme des courants.

La vérité, c’est que les cadres à photos m’ont longtemps accompagné.
Ils ont été de fidèles compagnons pour moi.
La vérité, c’est que je les adore, ils ornent toujours la maison familiale,
j’ai de la tendresse pour ces objets.
Ils ont porté mes souvenirs, ils ont porté le visage de mes proches.
Ils ont comblé l’absence…
C’est pour toutes ces raisons que je m’en suis défait.


Extrait de Les petites mémoires

Lâcher prise, 2018, performance, La Cuisine centre d’art et de design, Nègrepelisse, détail filmé à l’épiscope