États limites
2022
Vues de l'exposition États limites, Galerie Rocio Santa Cruz, Barcelone, 2022
Dans le cadre de la Barcelona Gallery Weekend 2022, la Galerie Rocio Santa Cruz présente le dernier projet de l’artiste français Jean Denant. C’est la deuxième fois que son travail est presenté dans cette galerie, après La Traversée de 2017 (…).
L’exposition montre « l’organisation des territoires qui, imaginaires ou réels, se nourrissent entre eux, mettant en évidence la fragilité poreuse des frontières, à la fois psicologiques, géografiques, ou politiques ». On y trouve une vingtaine de pièces, entre sculptures et peintures - bien qu’il soit difficile de définir ces dernières comme telles, puisqu’elles sont réalisées à partir de ciment et pigments, au lieu de l’acrylique, de l’aquarelle ou de l’huile. Et pour compte, ces œuvres sont réalisées à partir de débris et de béton, comme des pièces d’art populaire, même si au fond leur approche s’apparente davantage à une dimension conceptuelle. D’autres artistes, tels que Núria Guinovart, travaillent avec les mêmes matériaux, en l’occurrence avec le béton sismique et le goudron.
Jean Denant présente certaines de ses œuvres en forme de polyptyque, pour que le public puisse mieux saisir le message qu’il veut transmettre, comme dans Paysages de Palestine, un ensemble de quatre pièces qui représentent un paysage meurtri par la dureté du climat et surtout par la géopolitique. Il s’agit d’un paysage très important en premier plan - la terre déserte et quelques constructions, qui contrastent avec le ciel blanc en arrière-plan, tel un horizon fictif.
(…)
Dans Pierres, l’artiste peint trois pierres de grandes dimensions disposées de différentes manières, comme s’il s’agissait de trois montagnes avec leur pics. La particularité de ces pierres vient de l’endroit où elles ont été taillées.
Concernant la pièce centrale, Mare Nostrum, située sur l’un des murs de la galerie, elle est composée par une plaque d’inox poli miroir qui présente la silhouette de la mer Méditerranée découpée en négatif. Par ailleurs, la Grèce, l’Italie ou la Corse, la Sardaigne, la Sicile, Malte et les Baléares y apparaissent en blanc, le blanc du mur. En fait, cette œuvre est liée à « un type d’imaginaire plein de récits pluriels qui incitent toujours à l’angoisse politique. Un ensemble géoculturel et coordonné qui peut comprendre le temps historique et les rythmes de la mémoire ». (…)
Pour cette raison, les sculptures exposées, notamment Amphore, sont constituées de conteneurs réalisés à partir de débris et de béton, évoquant les amphores grecques ou romaines qui servaient à stocker des liquides ou des solides pour les échanges commerciaux en Méditerranée. Sont également exposés des colliers de la série Collier, la guerre des pierres, fabriqués à partir de moules en ciment de pierres recoltées dans la ville palestinienne de Gaza, tenues par une sangle en cuir.
Globalement, cette exposition entend démontrer l’importance de l’être humain sur un territoire ou un paysage qui, parfois, lui est hostile, mais auquel il arrive à s’adapter. Par conséquent, la situation ou l’emplacement du lieu marque les émotions des individus qui résident. Selon Jean Denant, « l’architecture agit comme une métaphore poétique où l’artiste nous invite à observer de près le dualisme d’action à la dérive entre l’action de construire et de détruire, entre les ruines et la vie, pour générer de nouvelles visions, et apouvrir des fissures aux fondations des discours hégémoniques. “
Extrait traduit du catalan de Jean Denant. El territori com a recurs creatiu de Ramon Casalé Soler, critique d’art, article en ligne publié par El Temps des Arts, 2022.