The Manila Room, A creepypasta by Ziti & Orzo

2023

Exposition et performance
En collaboration avec Chloé Viton
Frac Occitanie Montpellier, Montpellier
Commissaires Emmanuel Latreille et Éric Mangion
Coproduction Frac Occitanie Montpellier, Centre Culturel Universitaire Paul-Valéry et La Vignette, Montpellier

À l’origine du projet Creepypasta, Chloé Viton & Geoffrey Badel ont bénéficié d’une résidence d’artiste au sein [du Centre culturel de l’Université Paul Valéry, Montpellier au cours de l’année 2022-2023]. Ce temps de réflexion et de recherche répondait au désir ancien des artistes de collaborer : bien qu’ayant une approche formelle différente, ils se rejoignent autour d’affinités, notions et interrogations communes. Le contexte, les conditions et les enjeux de la résidence leur ont offert un espace-temps idéal pour mettre en œuvre cette première collaboration.

Extrait du dossier de presse de l’exposition The Manila Room, A creepypasta by Ziti & Orzo, Frac Occitanie Montpellier, Montpellier

Dans un monde pétri d’horreurs, il y a encore l’espace et le temps pour l’errance : errer parmi des erreurs pour entrevoir les seuils du réel et les spectres de l’inimaginable. The Manila room, par Ziti et Orzo, est la première ébauche d’un monde liminal entre les lumières noires de la vie numérique et l’effrayant vide d’une dystopie bien matérielle, là où on n’est plus ni dans les médias, ni dans un espace simplement physique, mais dans un au-delà contradictoire placé ici et maintenant, out of the blue¹ . Il s’agit d’une creepypast² hors de soi, une scène ouverte aux fissures cachées et profondes qui nous invite à nous précipiter dans l’abîme de notre monde, avec les pieds sur terre et l’esprit tâtonnant.

Nous sommes en face, ou bien à l’intérieur, d’une architecture sombre et complexe dont le familier nous inquiète et l’inquiétant nous fascine. On ne peut pas résister à son magnétisme subliminal. Ses chambres nous emmènent sans appel à explorer l’inconscient du lieu. Tandis que l’œuvre d’art se dissout ici dans un dispositif totalisant, nous perdons toute référence à propos de la direction à suivre : et si la vérité était obscène ? A bien des égards, il n’y a pas trop de choix : seuls Ziti et Orzo nous conduiront dans ces chemins qui mènent back, behind, beyond, par-delà le bon, le beau et le juste. Si habiter le monde est une emprise impossible, l’impossible est notre dernière possibilité d’existence. Dans un tremblement initiatique, confus avec nos doppelgänger³ .

En mode Noclip⁴ , entre la légende et le quotidien, envouté-e-s par un déjà vu étonnant dense de différences dans la répétition, nous sommes disloqué-e-s du royaume numérique et des jeux vidéos vers notre réalité matérielle, et inversement. Bienvenue dans la première backroom⁵ que l’on peut toucher et qu’il faut traverser en chair et en os, couche après couche, pour découvrir les arrière-salles de notre imaginaire. Au milieu des dissonances, des catastrophes et des accidents qui ponctuent notre présent, il faut bien apprendre à plonger dans l’anomalie, un pas au-delà de la frayeur. Maîtres d’un open space paradoxal aux nuances mythiques et le design obsolète, Ziti et Orzo sont les entités à suivre pour enfin caresser ces spectres qui nous hantent, et leur donner un corps, un foyer, une vie extra-ordinaire. Ce n’est plus un monde virtuel, mais le nôtre, un autre, à recréer ensemble, quitte à perdre nos repères classiques. Bye bye comfort zone.

Texte de Vincenzo Susca , sociologue de l’imaginaire et médiologue, Université Paul-Valéry, Montpellier

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Expression anglaise qui signifie littéralement « sorti du bleu », pouvant être traduite par l’expression française tomber du ciel. Elle indique un événement soudain et inattendu, une surprise totale, en référence à l’improbabilité d’un coup de tonnerre provenant d’un ciel bleu clair. ↩
Légende urbaine ou récit effrayant diffusé essentiellement sur Internet se déclinant sous différents formats (images, textes ou vidéos). Elles naissent de rumeurs et s’alimentent de spéculations générées par les internautes. ↩
Mot allemand signifiant « sosie » ou « double d’une personne vivante ». Il peut être perçu comme un être imaginaire qui révèle le côté obscur de la personne ; son alter ego maléfique. ↩
Dans certains jeux vidéo, ce mode est une commande de triche qui empêche la caméra du joueur d’être obstruée par d’autres objets lui permettant de passer librement à travers des éléments tels que des murs, des textures et des accessoires. Le joueur accède ainsi à une autre dimension du jeu. ↩
Expression anglaise qui signifie littéralement « l’arrière-salle ». Il s’agit d’une célèbre creepypasta qui raconte l’histoire d’endroits accessibles en se noclippant de la réalité. Cet endroit est considéré comme une dimension parallèle à l’esthétique « liminale », c’est-à-dire des espaces de transition relatifs à une frontière. ↩