Fade to grey

2014

Vues de l'exposition en duo avec Céline Germès
Theatre Impermanent, Leipzig, Allemagne
En partenariat avec Florent Piéplu du collectif Fugitif, Leipzig

No picture n°4, d’où les pages proviennent, est un glossaire des pratiques parapsychologiques et mantéiques rédigé par l’artiste. La parapsychologie étudie les phénomènes inexpliqués, tandis que la mantique regroupe les arts divinatoires basés sur des outils et des processus.

L’artiste a choisi de décrire des rituels sans ancrage culturel ou symbolique s’arrêtant à l’aspect factuel des objets et de leurs manipulations. La signification s’efface au profit d’un effet visuel, transformant le texte en une suite de performances ou de recettes à exécuter.

L’écriture, à la fois sobre et précise, expose le principe de la mantique en question, ses instruments et sa méthode, tout en laissant transparaître une approche poétique du mystère et de l’interprétation. L’agencement encyclopédique des termes confère une dimension incantatoire, comme si la lecture elle-même pouvait devenir un rituel d’exploration des signes et des présages. L’oscillation entre sérieux et absurde confère à l’ensemble une dimension ludique et réflexive et dessine un regard singulier sur les croyances et leur rapport à l’invisible.

page 8 de No picture n°4

page 12 de No picture n°4


Présentée sous la forme d’une impression d’une page internet, Sans titre (TCI) détourne le format banal d’un forum ésotérique pour y glisser une écriture intime et troublante. Dans un cadre numérique habituellement voué aux croyances marginales et aux récits anonymes, l’artiste insère une voix singulière, oscillant entre tentative sincère de communication avec l’au-delà et conscience aiguë de l’absurde. Le texte affiché s’inscrit dans une démarche d’écriture autofictionnelle : à la manière d’un journal ou d’une confession, l’artiste décrit une tentative de transcommunication instrumentale (TCI) — pratique qui consiste à capter des voix de défunts à l’aide d’enregistrements analogiques. Le rituel, mené avec hésitation, devient un geste à la fois dérisoire et profondément humain, une manière de mesurer l’écart entre le désir de croire et l’impossibilité d’y parvenir pleinement. Par l’utilisation d’un support numérique vernaculaire — le forum — et d’un style narratif feignant la spontanéité du témoignage, l’artiste interroge les frontières entre fiction et vérité, croyance et scepticisme, technologie obsolète et spiritualité contemporaine.


Sans titre (écriture automatique) explore un espace discursif où se mêlent croyance, affect et récit intime. À partir d’un forum consacré au paranormal, l’artiste insère un texte personnel dans un cadre numérique codifié. Le texte décrit un rituel et glisse du spirituel vers le confessionnel.

Le cadre du forum devient ici un espace paradoxal de vulnérabilité où les voix anonymes amplifient ou contiennent le geste de l’artiste. Ce geste brouille les régimes de réalité. Car pour l’artiste, le paranormal ne fonctionne pas comme un divertissement exotique, mais comme un espace discursif capable de contourner les filtres du langage normatif.

Loin du spectaculaire, le paranormal devient ici un lieu de circulation du banal, un espace de promesse plutôt que de preuve. Il permet d’énoncer l’indicible. L’œuvre joue ainsi avec les seuils entre réel et imaginaire et devient une scène fragile entre intime et collectif, entre croyance et dissidence.


Sans titre (filtre d’amour) présente un extrait d’un forum adolescent dans lequel l’artiste insère un texte personnel, parmi d’autres récits de doutes, de rituels ou de tentatives de prise sur l’affectif. Feuilles de laurier, bougies, formules : tous les signes du rituel sont là. Mais l’intensité du geste ne tient pas à son efficacité supposée, plutôt à sa mise en forme. L’écriture devient ici un acte : par son rythme haché, son souffle court, ses images simples, elle produit une situation.

L’artiste adopte les codes d’un langage genré adolescent, souvent féminin, sans ironie ni décalage forcé. Ce n’est pas un commentaire : c’est une tentative, sincère, de convoquer un autre. En cela, le texte n’illustre pas un rituel : il l’accomplit. En investissant cet espace numérique — lieu d’exposition affective, de croyances mineures et d’intimité partagée — l’artiste y inscrit une subjectivité qui, bien que minoritaire, s’aligne sur les vulnérabilités communes. L’œuvre explore la puissance de l’écriture comme invocation, et des forums comme territoires d’adresse, de fiction, et de désir.

© Adagp, Paris