Déformations continues 3.2
2021-2022
Installation
69 pièces en céramique sur grand plateau
130 x 300 x 226 cm
Porcelaine, oxyde de fer, faïence, plateau en contreplaqué bouleau, structure en acier.
En collaboration avec Sidonie Lelièvre, tapissier d'ameublement.
Vue de l'exposition Déformations continues 3.2 à la galerie AL/MA, Montpellier.
Alors, nous passons du mur à la surface plane et d’autres éléments « en creux » apparaissent, étranges petits blocs distordus et incisés. Selon un procédé de capitonnage (technique utilisée dans la tapisserie d’ameublement qui vise à garnir un objet à travers plusieurs points d’entrée ou de piqûres), l’artiste s’aventure aux antipodes du contrôle du matériau ou d’une visée perfectible. Elle décortique la technique depuis l’intérieur, la dévoile voire la sublime en transférant une mousse vers la matérialité fragile de la porcelaine. Le résultat déploie un nouveau lexique, une géométrie courbe et malaxée. Suzy Lelièvre revendique une pratique collaborative qui convoque de multiples savoirs : la céramique, l’ingénierie, la ferronnerie, la tapisserie, le bricolage… L’artiste se situe aux confins d’une créativité partagée et en devient l’alchimiste qui fusionne aussi bien les connaissances que les matériaux, composant un canevas lâche et perméable.
Élise Girardot, Sinuosités, extrait. Lire le texte en entier.
Marie-Caroline Allaire-Matte : Pouvez-vous préciser le protocole de réalisation des pièces en porcelaine ?
Suzy Lelièvre : Initié en 2014, ce projet a débuté par une collaboration avec Sidonie Lelièvre, tapissier d’ameublement à qui j’ai proposé de se prêter au jeu de la déformation. En observant les gestes quotidiens liés à son activité, nous sommes tombées d’accord sur un protocole : à partir de cubes de mousse comparables à ceux utilisés pour le rembourrage de sièges, je lui ai transmis des instructions d’incisions. L’artisane a créé des tensions puis relié avec des fils certaines extrémités des volumes, choisissant leurs agencements et leurs combinaisons, en corrélation avec des techniques liées à sa pratique, comme par exemple le capitonnage ou le pli flamand. Le projet est ensuite resté en sommeil jusqu’à trouver son accomplissement avec Pierrick Lacord, céramiste. Il a plongé les mousses dans la porcelaine, puis les a suspendues, séchées et cuites au four à 1300 degrés environ. La cuisson ayant décomposé le polymère, il ne reste alors que la structure de céramique poreuse. Cette matière m’intéresse car elle est difficile à identifier, à la fois organique et minérale, elle contient l’oxymore de son apparition.
Marie-Caroline Allaire-Matte, Entretien avec Suzy Lelièvre, extrait.
L’ornement peut-il être à la fois ascétique, prolifique, systémique et sensible? Oui. Héritière des modernes, l’œuvre de Suzy Lelièvre est abstraite, incarnée et généreuse. Depuis ses années à l’ENSCI, l’artiste sétoise explore les propriétés formelles intrinsèques des matériaux. Sa recherche cite la morphogenèse, flirte avec le design mais surtout avec la topologie - cette branche des mathématiques qui étudie les capacités de déformations continues des objets géométriques. Sous ses mains, une forme en papier ou un simple cube de mousse est ainsi soumis à un processus de déformation selon des protocoles stricts consistant à presser, inciser, plier et tordre la matière. Initié en 2014, le projet des Déformations continues est une recherche empirique, compulsive et sensible sur les formes que peuvent générer des concepts géométriques lorsqu’ils sont soumis à déformation. Avec un plaisir avoué d’expérimenter et de jouer avec les formes, l’artiste met ainsi à l’épreuve du réel ces objets mathématiques. Ses Déformations continues #8 s’attaquaient au rond; la #9 à la sphère. Pour les Déformations continues #3, Suzy Lelièvre demandait à une tapissière de mener un ensemble de manipulations sur un cube de mousse comparable à ceux utilisés pour le rembourrage. Confiés ensuite à un céramiste pour être figées dans le grès, il résulte de ces manipulations une profusion de formes sensuelles et poétiques où le regard se plaît à plonger. « Je rattache l’ornement à des phénomènes physiques et à la manière dont on pose un regard sur des formes », dit-t-elle fort justement.
Arnaud Fourrier, extrait. Lire le texte en entier.
© Adagp, Paris

Déformations continues 3.2, 2021 - 2022, installation, photo Yohann Gozard

Déformations continues 3.2, 2021 - 2022, installation, vue de l’exposition Déformations continues 3.2, Galerie AL/MA, Montpellier, photo Yohann Gozard, détail

Déformations continues 3.2, 2021 - 2022, installation, photo Yohann Gozard, détail






Déformations continues 3.2, 2021 - 2022, installation, photos Cécile Mella, détails