Capital sympathie

Renaud Héléna présente dans cette exposition personnelle, Capital sympathie, un ensemble de travaux récents inspiré de la théorie du jeu et des techniques de communication. L’artiste conçoit des mécanismes de jeu comme des protocoles artistiques destinés à mettre en place une fiction qui sera racontée collectivement, différente à chaque fois. Il s’agit de penser les récits multiples qui se construiront à mesure que les joueurs s’engagent, choisissent entre attaque et défense, et réagissent aux stratégies adverses.

La théorie des jeux est un outil mathématique d’analyse des interactions stratégiques entre individus, comme les comportements coopératifs ou offensifs. Elle offre un cadre théorique à des domaines aussi variés que l’économie, la gestion d’entreprise ou la diplomatie. Elle s’appuie sur des jeux mathématiques qui, à travers des scénarios comme le dilemme du prisonnier, confrontent les joueurs à des choix — garder ou partager — afin d’obtenir la meilleure récompense. L’évaluation des probabilités de choix humains à l’échelle du profit individuel a depuis été critiquée par de nouvelles générations de théoriciens.

Untitled (deal) est une interprétation concrète de ces jeux mais, au lieu de points ou de toute autre forme de récompense, Renaud a choisi que les mots seraient la monnaie d’échange. Deux joueurs, qui n’ont pas le droit de parler, peuvent s’asseoir et parier sur la générosité de l’autre afin d’obtenir davantage de mots et peut-être parvenir à communiquer. Le jeu propose de nouveaux moyens de partage à travers la contrainte, mais aussi une libération de la parole du contrôle rationnel, redéfinissant les interactions sociales en interrogeant les notions d’échec, de réussite et de réciprocité. Il ne s’agit pas de gagner de l’argent, de compétition ou de la vanité d’une récompense, mais d’un projet de co-construction, de relations de confiance, de soin et de responsabilité autour d’œuvres devenues objets sociaux.

Des textes découpés et des dessins occasionnels posent le décor du jeu. Ce projet d’écriture et de dessin s’intéresse au monde du développement personnel et du coaching en communication, les textes mêlent vie privée et vie professionnelle, témoignages personnels et discours désincarnés. À l’aide de la technique du découpage, l’artiste transforme et recompose les textes, proche de la technique du cut-up, dans une tentative de libérer l’écriture de la conscience. L’artiste joue avec le vide des mots et leur absence. Dans notre culture néolibérale occidentale, mots de développement personnel, mots personnels, mots d’entreprise, tout se mélange dans un processus d’inscription de l’expérience de l’authenticité.

L’installation se déploie en plusieurs strates de découpe de surfaces et de textes, les réorganisant comme des pièces de puzzle qui s’étendent dans l’espace physique autant que mental. L’artiste utilise ce processus de déplacement pour interroger l’authenticité du langage et dans quelle mesure le langage conditionne notre manière de penser et de ressentir.