Mazaccio & Drowilal.

Nicolas Heimendinger

Tirant ses moyens de la photographie, du livre et d’internet, attaché en particulier au support papier, au collage et à la série, le travail de Mazaccio & Drowilal se comprend toutefois moins en termes de médium ou de technique que d’image. Loin d’une réévaluation de ce qu’on appelait autrefois « la culture populaire », le brassage et les détournements qu’ils opèrent entretiennent plutôt des parentés avec la notion de mème : le duo détourne et recombine des formes archétypales, des structures élémentaires, qui façonnent les mémoires, les identités et les représentations aussi bien individuelles que collectives.
De ces pièces émane une familiarité certaine, au-delà même des habitudes que chacun peut entretenir avec une telle iconographie : complicité avec la dérision de l’artiste, impression de proximité avec cette disposition presque enfantine à la collection, émerveillement enfin devant des objets d’autant plus précieux que leur contenu est trivial ou commun.
Entre ironie douce, provocation caustique et humour potache, il devient malaisé de distinguer la charge critique de l’affection que portent les artistes à ces images : c’est sans doute dans cette capacité à échapper à toute réification que réside la véritable puissance subversive de ce travail.
Ni distanciées, ni complaisantes, ces œuvres suscitent la jubilation par le plaisir ostensible que prennent Mazaccio & Drowilal à les concevoir, plongeant le spectateur dans un espace de jeu où les cartes sont sans cesse rebattues et c’est bien pourquoi légèreté et gravité sont ici inséparables : « la plénitude de l’investissement dans le jeu caractérise une forme de bonheur […] qui s’apparente moins à l’explosion de joie ou au rire qu’à l’esprit de sérieux. »1

Auteur·e

Nicolas Heimendinger est docteur en histoire et théorie de l’art contemporain de l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis. Il est actuellement enseignant à l’université de Lille, membre du Centre d’étude des arts contemporains et du comité éditorial de la revue Marges.

Notes

  1. 1 Dominique Chateau, à partir des analyses de Johan Huizinga sur la sociologie du jeu (Duchamp : art et pensée échiquéenne dans Retour d’y voir, n°1 & 2, Les Presses du Réel, 2008).