Virginie Loze.

Jérôme Carrié

Virginie Loze crée une imagerie peuplée de créatures étranges prises dans des situations cocasses, révélant les menaces qui défient l’individu et les atteintes portées à son intégrité. Transfuges du spectre de nos angoisses, elles surgissent avec cynisme et humour dans ces fragments d’histoires, personnelles et collectives. Aux antipodes des figures fantasmagoriques et des aplats de couleurs vives qui caractérisent le travail de l’artiste, l’œuvre choisie pour l’exposition Presque rien dénote et témoigne d’un tout autre aspect de sa production artistique. Première œuvre sélectionnée parmi les soixante-neuf réunies, ce dessin au format modeste ouvre l’exposition avec un certain sens tragi-comique. Représentant un personnage au bord d’une falaise dans un équilibre instable, c’est avec peu d‘éléments graphiques mais avec une grande précision que l’artiste évoque la relation fondamentale de l’être à son environnement et au paysage. 
La vague tel un croc, une interpellation, une injonction peut lui être fatale, l’anéantir et le dissoudre. Tout comme sa forme, le recevoir dans son réceptacle et dans une glissade vertigineuse le ramener sauvé à son point de départ. Son corps et la falaise sont faits de la même matière, chute et élévation semblent les constituer.
Ces quelques traits de crayons gris et bleus suffisent à ouvrir tout vertige de significations. La grande vague dans laquelle semble pris le personnage évoque le « sentiment océanique » ressenti par Romain Rolland. Le dessin de Virginie Loze rend sensible à la fois la petitesse de l’être humain par rapport à l’immensité et la sensation d’appartenir au grand Tout. Son attitude expectative nous renvoie à nous-même, à notre avenir entre espoir et péril. Dans une relation de soi à soi, ce premier presque rien invite à l’identification et à la méditation.

Texte publié dans le catalogue de l'exposition Presque Rien, CIAM La Fabrique, 2019, Toulouse

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