Peintures
2019
Acrylique sur toile
Dimensions variables
183
C’est la partie inférieure d’un corps bleu debout, une jambe immergée jusqu’au genou dans un liquide bleu sombre phosphorescent aux reflets rouges. L’autre jambe est arrachée. Le corps est tranché à la taille, sa colonne vertébrale saillie comme la mèche d’une bougie. Le corps semble s’égoutter, constellé de gouttes de chair. C’est un corps à chair bleu asexué, peut-être est-il déjà mort. L’arrière-plan est une succession d’horizons à l’atmosphère harmonieuse, douce et lumineuse où alternent les couleurs jaune, vert pâle et bleu ciel. Les anneaux rouges des ondes sur la surface liquide, formés par l’impact de la jambe dans le liquide, semblent être une mise en garde de la propagation d’un danger imminent. C’est un baptême du feu dont le corps ne sortira pas indemne, une idée de l’altération et de la finitude. À moins que cela ne soit une vision des dangers du dérèglement climatique et de l’enfouissement des déchets radioactifs. Le corps-bougie est la métaphore du temps qui nous est imparti et notre destruction annoncée dans le contexte de l’anthropocène.
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Il s’agit d’une figurine sans âge, grotesque, ressemblant à une molaire affublée d’un casque trilobé formé de trois seins. Deux tresses rousses dont les mèches s’apparentent à des mains encadrent son visage ; l’ensemble rappelant une coiffe gauloise. Une culotte rose à moitié cuisse fait office de lèvre inférieure à sa bouche grande ouverte dont la lèvre supérieure est son entre-jambe. Les jambes de la figurine sont les racines de la molaire, celles-ci sont posées en suspens sur une sphère bleue qui pourrait être notre planète. Il y a une analogie évidente entre la bouche et le sexe féminin. Un cri muet semble s’échapper d’entre les jambes de la figurine, verte de peur face à une plaisanterie grivoise comme une gauloiserie à son encontre, ou bien une maltraitance ou un viol. Dent, poupée de porcelaine fragile ou émail à l’épreuve du temps ? Quoi qu’il en soit, cette situation de maltraitance semble être universelle. Il est question de façon générale de sexisme, de maltraitance envers des femmes et jeunes filles sans défense prêtes à le dénoncer et à se défendre.
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C’est une main jaune, poing fermé, le majeur et l’index levés et écartés, entre lesquels passe un tuyau prolongé d’un entonnoir. La partie évasée est ébouriffée comme un plumeau. Un petit œil blanc signale que l’entonnoir est peut être une créature à piques, à plumes ou à fourrure ou éclaboussée, au nez pincé par les deux doigts. « SNIFF » est écrit entre la main et la créature. Est-ce une victoire sur la corvée du ménage, une allégorie sur la désillusion des revendications des gilets jaunes ? La victoire des hérissons ?
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C’est une tête frontale portant de larges lunettes, les lignes du nez et de la bouche rappellent les traits d’une sculpture kmer. Sa coiffure est une masse volumineuse de cheveux lisses de plusieurs couleurs qui recouvrent partiellement son visage. Une figurine renversée vêtue d’une longue robe apparaît dans la coiffure et rompt la symétrie de l’ensemble. L’expression de gravité sévère, comme hiératique est contrariée par les couleurs très vives en références à la soul psychédélique. Des disques de couleurs en symétrie de part et d’autre du visage rappellent les pulsations sonores, boutons des amplificateurs et haut-parleurs. C’est un hommage à la musique noire.
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C’est la tête de trois quart d’une créature effrayée, ahurie, choquée par ce qu’elle semble voir hors champ, tout comme par les filaments verts fluo qui s’échappent ou pénètrent par son oreille et par son espèce de nez, l’un et l’autre hypertrophiés. La surface de sa peau est rose violacée, auréolée de clarté. D’énormes dents de rongeurs dépassent de sa bouche grande ouverte. Les yeux schématisés sont exorbités, écarquillés, opaques, aveugles, colorés en vert au ton froid alors que l’arrière-plan est un vert chaud foncé. Cette grotesque rend compte à la fois de l’intolérance à la pollution sonore et atmosphérique, tout comme elle rend compte de la difficulté à sensibiliser les climato-sceptiques aux notions écologiques rejetées ou mal perçues.
V. L.
Vues de l’exposition Peintures et dessins, Centre culturel Henri Desbals, Toulouse, 2019