Champagne.
Clément Ghys
La sphère médiatique nous offre parfois de curieux spectacles. Ce genre de rituel qui aurait pu figurer dans les Mythologies1
de Roland Barthes.
Les pilotes de F1 s’amusant à s’asperger de champagne sur le podium en est un. L’image du conducteur bien moulé dans sa combinaison logotisée, envoyant une gerbe d’écume blanchâtre est devenue récurrente dans le panorama télévisuel, arrivant en conclusion à chaque diffusion de grand prix.
Ce sont ces images que le tandem Mazaccio & Drowilal a réunies pour le livre d’artiste Champagne.
Les artistes français les confrontent à des photographies de Miss au moment de leur sacre. Toutes les images viennent d’une collection de photos issues du web, entamée quelques années en amont. Mazaccio explique : “Pour cet ouvrage, nous les avons sélectionnées, recadrées, passées en noir en blanc et simplifiées pour en accentuer la dramaturgie et favoriser la perception que nous en avions”.
Que se joue t-il dans ces photographies? Une étude quasi clinique des corps contemporains, ou du moins des archétypes qu’on nous propose.
D’un côté, il y a donc les Miss avec leur aspect robotique. Lorsqu’elles reçoivent leur couronne ou apprennent le résultat du concours, c’est le climax. Leurs visages en deviennent presques monstrueux. On est dans une sorte d’extase, mais en même temps on a l’impression qu’elles vont vomir. Elles retiennent souvent le geste d’essuyer les larmes sur leurs visages pour ne pas altérer leur maquillage.
Et de l’autre, les pilotes qui singent une saillie brutale, miment une éjaculation avec un gros objet. Déjà que la bagnole n’est pas rien dans le genre objet transitionnel, le magnum de champagne va plus loin, et sert d’ultime marqueur de virilité à Lewis Hamilton et consorts.
La belle curiosité de Champagne tient au dépouillement de ces images à l’origine très chargées d’écharpes de Miss, de jurés, de logos… On se concentre alors sur la bestialité qui surgit sous le make-up ou l’érotisme masturbatoire des pilotes.
Robert Drowilal :
“Au fond, je crois que l’enjeu de ce livre était de faire un ouvrage pornographique, mais sans nudité. (…) Cette confrontation nous permet de réfléchir à l’influence des représentations médiatique sur la construction des identités: de TF1 à YouPorn.”